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Le vieux prof d’histoire, le libre-penseur, est mort cette nuit. Il ne nous parlera plus de 1848, de la Commune de Paris, des droits de l’homme. On l’a porté sur la place d’appel, car les morts sont comptés avec ceux qui sont encore en sursis… Il est allongé à côté de « Couki », le petit voyou corse au grand cœur, au courage exemplaire, celui qui avait défié un énorme Ukrainien, genre de kapo, terreur du block, et avait fini par l’allonger, d’un coup sec, de sa petite tête noiraude.
L’Obersturmführer passe l’appel. D’un seul geste, les capotes rayées ont mis à nu leurs têtes rasées, rayées par la « Strasse » . Les regards sont figés au sol, malheur à celui qui oserait affronter son regard. Il s’est approché des deux morts. Les yeux vides du professeur fixent le SS, ses traits sont encore figés dans une moue de mépris. Le SS s’approche ; de sa botte luisante, il ballotte, de gauche à droite, cette tête qui le défie encore, s’éloigne et éructe :
- Chien !
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