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Campagne de Norvège
En avril 1940, Pierre Hentic embarque à Brest avec le 67e BCA sur l'El Mansour à destination de Namsos en Norvège, où la France entend "couper la route du fer" à l'Allemagne mais où cette dernière démontre sa supériorité aérienne. Détourné sur Greenock en Ecosse, il se porte volontaire pour repartir à Narvick et sera de retour en France le 17 juin 1940 pour assister à la débâcle. Après une tentative manquée pour rejoindre l'Angleterre sur un sardinier, il est démobilisé au camp de Carpiagne près de Marseille. |
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Dans cette situation apparemment sans issue, notre impuissance nous accable. Même les plus déterminés d’entre nous ne peuvent que subir sans rien faire. Aucun ordre, aucune consigne ne nous parvient. Nous acceptons mal de devoir nous résigner : hier encore n'étions-nous pas une « troupe d'élite » ? Les avions – il est superflu de dire allemands – passent et repassent au-dessus de nous, fouillant le bois de longues rafales de mitrailleuse. Nous ne disposons d'aucune arme anti-aérienne, donc nous nous contentons de surveiller leur arrivée afin de mettre entre eux et nous l'épaisseur d'un gros sapin. Enfouis dans le neige jusqu’au bas-ventre, nous tournons autour du tronc selon la direction du tir et l'axe d'arrivée de l'appareil. [...]
Haut comme un pic de sa Savoie, le cou étiré à force de regarder les sommets, sec et anguleux comme un sarment, silencieux comme les cimes, mon ami Pinget partage le même sapin que moi. L’air sombre, plus taciturne que jamais, il tourne comme moi autour de notre arbre depuis deux heures. La « tarte alpine » enfoncée sur les oreilles, il cogne de ses gros souliers le tronc du sapin pour ranimer ses pieds gelés, quand, s’arrachant enfin à son mutisme, il lâche de son ton nasillard et lent :
- Dis Maho ! Elle cogne dur l'armée française, mais elle cogne… du pied !
Après cette formule sans appel, il reprend sa ronde autour du tronc.
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